Si cet idole ou teste d'Apollon a été autrefois accompagné de son corps et du temple de Vassogalate

Chap. VI

 

Je me tiendrois plutot à la partie négative de cette question et dirois qu'il n'y a pas grande aparence que cette teste ait esté accompagnée de son corps entier, par cette seule raison que je ne vois pas que tous les édifices de ce temple d'Apollon qui sont encore presque en leur entier dans le chateau de Polignac, fussent capables de recevoir ni enfermer chez eux cette statue ou plutot colosse si elle eut été entière, parceque par la mesure et cimétrie proportionnée de la teste qui doit faire la huitième partie du corps humain , elle eut deu etre de quarante pieds de haut.

Or il est croyable que les oracles se rendant ou prononçant par la bouche ouverte ou beauté de cette idole elle fut posée et enfermée dans le temple, et dans son plus secret sanctuaire qu'est la chambre peinte qui retient encore le nom de la chambre d'Apollon, parceque l'idole reposoit anciennement là dedans ainsi que nous le montrerons ci-après et laquelle chambre d'Apollon étant basse et petite, n'eut seu comprendre un si grand colosse.

Et cette meme raison me fait rejeter l'opinion de ceux qui ont cru que le temple ou délubre duquel fait mention en sa Topographie St Grégoire de Tours, que l'on appelloit en langue gauloise Vassogalate, scitué dans le pais d'Auvergne, fut celuy-ci de Polignac, ne voiant pas dans ce chateau aucunes aparances, traces, marques ni fondement d'un tant superbe édifice tel que le décrit cet autheur en ces mots :

Miro opere factum fuit atque formatum cujus paries duplex erat ab initio enim de minuto lapide a fori vero quadris sculptis fabricatum fuit, habuit enim partes ille crassitudinem pedes triginta intrinsecas vero marmore ac museio [?] variatum erat pavimentum quoque adis marmore statum, de super vero plumbo tectum,

lequel temple fut détruit, ruiné et brûlé au raport du meme autheur par Chrocus roi des Allemands qui vint fourrager la Gaule, détruisant et renversant tous les anciens et beaux édifices l'an de grace 260 ou environ, et ainsi le raporte le meme Grégoire :

Chrocus Allaman novum rex (c'étoient les Suèves) commoto exercitu universas Gallias pervagatur cunctasque aedes quae antiquitus fabricata erant a fundamentis subvertit veniens vero Arvernos delubrum illud quod Gallica lingua Vassogalatae vocant incendit, diruit atque subversit.

Il ne faut pas aussi croire avec le président Fauchet que ce temple Vassogalate fut dans le fort chateau d'Usson au pais d'Auvergne, parceque outre ce que l'on ne voit dans ce chateau aucunes marques de cet édifice, il est aisé à colliger par la suite de l'Histoire du meme autheur Grégoire de Tours que ce temple étoit posé dans la ville de Clermont.

Pour revenir à notre idole, si tant est qu'il eut esté taillé et représenté avec son corps entier de plusieurs différentes façons que les anciens idolatres figuroient leurs dieux Apollon, chaque nation à sa guise tout ainsi que l'autheur des Images des Dieux (1) le rapporte, il est croiable qu'il eut été taillé et habillé à la Gauloise, je veux dire figuré et formé de la façon que les Gaulois représentoient Apollon, façon néantmoins obmise par cet autheur.

 

Avec sa teste grosse ou hure épaisse et touffue de poil, le visage sans barbe, elle eut tenue de sa droite une lyre à 7 cordes, une corne d'abondance à l'autre, son estomac eut été peint de couleur céleste et azurée parsemée d'étoiles, le croissant en demi-lune lui eut couvert les deux genoux et ses pieds eussent été fixement plantés sur un arc en ciel entourant une boule.

Par toutes lesquelles choses ces anciens vouloient faire connoitre que sous le nom d'Apollon ils n'adoraient autre chose que le soleil, le plus grand luminaire du monde, le phanal du Ciel, le prince des astres, le plus noble des corps célestes, créature d'admirable beauté et témoignage de l'excellence de son créateur, l'oeil et le coeur du monde, le fils visible du grand Dieu invisible, ainsi que disoit Platon, et auquel Dieu meme a établi son trone et tabernacle selon le Psalmiste.

Par sa perruque et chevelure longue blonde et dorée, ils vouloient représenter les resplendissants rayons du soleil, par le visage jeune et sans barbe ils vouloient donner à entendre que la chaleur et vertu du soleil donnant et conservant la vie aux choses crées, est toujours en une meme force et ne vieillit jamais, par la lyre à 7 cordes étoit figuré le mouvement harmonique des 7 cieux reconnus sous le nom des 7 planètes, au beau mitan desquelles est planté justement le soleil pour lui communiquer sa lumière, et par le cours également ordonné duquel les saisons de l'année ont leur tems convenable pour despartir aux hostes de ce monde terrestre toute affluence des biens remarquée par la corne d'abondance.

Par les étoiles fixés à l'estomac et le croissant ou demi-lune couvrant les genoux, l'on vouloit dire que la lune et les étoiles très au dessous de son cercle n'avoient autre clarté que celle qu'elles empruntoient du soleil et que le meme soleil, quoiqu'il soit le plus flamboiant et lumineux des astres du ciel, représenté par la couleur azurée, étoit néantmoins terni par le corps opaque et ténébreux de la lune, que le meme soleil par la force attractive de ses rayons dissipoit les brouillards et nuées matrices de la pluye représentées par l'arc en ciel de diverses couleurs, illuminant par ce moien cette machine ronde, mais nous verrons bien ci après d'autres hyéroglyphes par lesquelles le soleil étoit représenté dans notre temple de Polignac.

(1) Vincenzo CARTARI, Les images des dieux des anciens, contenant les idoles, les coutumes, cérémonies et autres choses appartenans à la religion des payens, recueillies en italien par le sieur Vincent Cartari… et traduites en françois, et augmentées par Antoine du Verdier, seigneur de Vauprivas, Lyon : Barthelemy Honorat, 1581.

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